Les monuments de Tiahuanaco(Tiwanaku / Pumapunku) en Bolivie sont faits de pierres artificielles en géopolymère âgé de 1400 ans.

Transcription (et traduction en français) de la conférence en langue anglaise du Prof. Joseph Davidovits, tenue au Geopolymer Camp 2018, Session: Ancient Technologies, Tuesday, July 10, 2018, titled: “Joint Research Program Conducted by the Geopolymer Institute and Universidad Catolica San Pablo, Arequipa, Peru, First Scientific Results on Tiahuanaco / Pumapunku Megalithic Monuments (Tiwanaku), Bolivia.”

Figure 1: Amérique du Sud, les Andes et l’Altiplano avec Tiwanaku (Porte du Soleil) / Pumapunku.

TABLE DES MATIÈRES

Voici la vidéo de la conférence présentée par le Prof. Joseph Davidovits, le 10 juillet 2018 au Geopolymer Camp 2018 et donnant tous les détails de l’étude, en anglais et en espagnol avec des sous-titres en français.

“The Megaliths at Tiwanaku / Pumapunku are artificial geopolymers.”

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“Los Megalitos de Tiwanaku / Pumapunku son Geopolímeros Artificiales”

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Résumé étendu de l’étude

Les premiers résultats de cette recherche ont été publiés récemment dans deux journaux scientifiques internationaux renommés:

  1. Sur les mégalithes en grès de géopolymère: J. Davidovits, L. Huaman, R. Davidovits, « Ancient geopolymer in South American monuments. SEM and petrographic evidence « , Materials Letters 235 (2019) 120-124. DOI: doi.org/10.1016/j.matlet.2018.10.033, on line 8 October 2018.
  1. Sur les structures “H” en andésite volcanique géopolymère: J. Davidovits, L. Huaman, R. Davidovits, “Ancient organo-mineral geopolymer in South American Monuments: organic matter in andesite stone. SEM and petrographic evidence”, Ceramics International 45 (2019) 7385-7389, DOI: doi.org/10.1016/j.ceramint.2019.01.024, on line 4 January 2019.

Tiahuanaco, au bord du lac Titicaca en Bolivie est un village connu dans le monde entier pour sa mystérieuse Porte du Soleil, des ruines de temples et sa pyramide. Les archéologues considèrent que ce site a été bâti bien avant les Incas, vers 600 à 700 apr. J.-C.. Le site de Pumapunku se trouve juste à côté avec les ruines d’un temple pyramidal énigmatique bâti à la même époque. Comme il n’est pas restauré et mis en valeur, il est moins connu du grand public. Pourtant, on y trouve deux curiosités architecturales: quatre terrasses géantes de grès rouge pesant entre 130 et 180 tonnes et des petits blocs d’andésite, une pierre extrêmement dure, dont les formes complexes et la précision millimétrique sont incompatibles avec la technologie de l’époque. Et pour cause, l’archéologie nous explique que les Tiwanakans ne possédaient que des outils en pierre et aucun métal suffisamment dur pour tailler la roche. Pourtant, ils auraient taillé des blocs de grès rouge aussi gigantesque (ces blocs antiques sont les plus gros de tout le continent américain !) et étaient capables de transporter ces centaines de tonnes sur le site, puis de les ajuster avec précision. Aussi, ils auraient été capables de sculpter d’autres blocs plus petits dans de l’andésite, une pierre impossible à tailler avec une finition incroyable ! De tout cela, les archéologues ne peuvent donner d’explications rationnelles. Ainsi, pour le grand public, une ancienne super civilisation perdue ou les aliens sont les hypothèses généralement avancées pour expliquer ces prodiges.

En novembre 2017, les scientifiques ont prélevé des échantillons de grès rouge et d’andésite sur le site de Pumapunku. Pour la première fois, ces pierres ont été analysées au microscope électronique, cela n’avait jamais été réalisé avant ! Ils ont découvert la nature artificielle des pierres. Ils ont comparé les pierres des monuments avec les ressources géologiques locales et ont constaté de nombreuses différences.

L’andésite est une pierre volcanique provenant du magma. Elle est composée principalement de silice sous forme de feldspath plagioclase, d’amphibole et de pyroxène. Les scientifiques y ont découvert la présence de matière organique à base de carbone. « Une matière organique à base de carbone n’existe pas dans une pierre volcanique formée à haute température, car ils sont vaporisés. Il est impossible d’en trouver dans l’andésite. Et parce que nous avons trouvé de la matière organique à l’intérieur de la pierre volcanique andésitique, les scientifiques auront la possibilité d’effectuer une datation du Carbone-14 et déterminer l’âge exact des monuments » d’après Luis Huaman, géologue à Universidad Catolica San Pablo, Arequipa, Pérou. Cet élément organique, un géopolymère à base d’acides carboxyliques, a donc été ajouté par une intervention humaine à un autre moment pour former une sorte de ciment.

Les blocs géants de grès rouge posent un autre problème. Le grès est une roche sédimentaire composée de grains de quartz et d’un liant argileux. Il existe plusieurs sources géologiques possibles, mais aucune ne correspond aux pierres édifiées sur le site archéologique. Aucune carrière connue n’est capable de fournir les blocs massifs de 10 mètres de long. De plus, la pierre locale est friable et de petites dimensions. Les scientifiques ont découvert au microscope électronique que le grès rouge de Pumapunku ne peut pas provenir de la région, car on y trouve des éléments, comme le carbonate de sodium, absents de la géologie locale. Alors d’où provient la pierre ? De plusieurs centaines ou milliers de kilomètres ? Avec quels moyens ont-ils été transportés ? En réalité, l’analyse au microscope électronique prouve que la composition du grès pourrait être artificielle (un géopolymère ferro-sialate) et fabriquée comme un ciment.

Quelle est cette technologie ? « Les pierres artificielles ont été formées comme un ciment. Mais, ce n’est pas un ciment moderne, c’est un ciment géologique naturel obtenu par géosynthèse, » déclare Ralph Davidovits, chercheur à l’Institut Géopolymère. Pour cela, ils ont pris de la roche naturellement friable et érodée comme pour le grès rouge depuis la montagne toute proche et du tuf volcanique non consolidé depuis le volcan Cerro Kapia juste à côté au Pérou pour former l’andésite. Ils ont créé un ciment soit à partir d’argile (la même argile rouge que les Tiwuanakans ont utilisée pour la poterie) et des sels de carbonate de sodium venant du Laguna Cachi dans le désert de l’Altiplano au sud, pour former le grès rouge. Pour l’andésite grise, ils ont inventé un liant organo-minéral à base d’acides de plantes et d’autres réactifs naturels. Ce ciment était ensuite coulé dans des moules et durci pendant quelques mois. Sans une connaissance approfondie de la chimie des géopolymères, qui étudie la formation de ces roches par géosynthèse, il est difficile de reconnaitre la nature artificielle des pierres. « Cette chimie n’est pas une science difficile à maitriser. Elle est le prolongement des connaissances des Tiwanakans dans la céramique, les liants minéraux, les pigments et surtout une excellente connaissance de leur environnement, » précise le professeur Joseph Davidovits. Sans la sélection des bonnes matières premières, ces monuments extraordinaires n’auraient pu voir le jour il y a 1400 ans.

Enfin, cette découverte scientifique confirme les légendes locales qui disent que « les pierres ont été faites avec des extraits de plantes capables de ramollir la pierre. » Cette explication a toujours été rejetée par les archéologues, car elle n’avait pas de sens. Les preuves apportées par l’équipe de scientifiques de France et du Pérou montrent que la tradition orale avait raison: ils faisaient des pierres molles qui pouvaient durcir ! L’hypothèse de l’ancienne super civilisation perdue ou les aliens extraterrestres est fausse. Les Tiwanakuans étaient des humains intelligents. Ils connaissaient parfaitement leur environnement et savaient exploiter les ressources apportées par la nature.

En plus de la datation du Carbone-14, d’autres études seront bientôt réalisées pour déterminer si certains monuments de la région de Cuzco au Pérou ont été bâtis avec la même connaissance scientifique.

 

Introduction

Le Professeur Joseph Davidovits et son équipe ont publié récemment des résultats préliminaires sur les monuments de Tiwanaku / Pumapunku [1, 2]. Certaines de leurs méthodes de construction ont depuis longtemps suscité l’intérêt et des spéculations impliquant des super-civilisations ou des interventions extra-terrestres. Les théories conventionnelles suggèrent que les blocs de pierre furent taillés dans des carrières parfois éloignées, travaillés avec précision et transportés. Actuellement, il y a très peu de recherches effectuées par des scientifiques spécialistes des matériaux sur ces sujets controversés. Cependant, du point de vue de la construction et des matériaux de construction, les connaissances que l’on peut acquérir grâce à ce type d’études archéologiques sont multiples. En particulier, elles génèrent des exemples utiles pour la détermination des propriétés à long terme des bétons géopolymères. Elles aident à comprendre la transformation chimique qu’une matrice géopolymère peut subir sur une longue période (des centaines voire des milliers d’années) et fournit des données sur le mécanisme de cristallisation et l’évolution minéralogique.

Pour les pyramides égyptiennes, Joseph Davidovits, connu pour son développement de la science des géopolymères et du béton géopolymère [3] a, dans les années 1980, proposé une théorie alternative, mais toujours controversée [4, 5]. Il a suggéré que les blocs constituaient un type de béton ancien fait de calcaire désagrégé du plateau de Gizeh, en Égypte, cimenté par un liant géopolymère de type polysilico-oxo-aluminate de sodium ou de potassium, poly(sialate), et tassé dans des blocs in situ. Malgré la vive opposition du gouvernement égyptien [6], plusieurs scientifiques ont publié des études qui confirment la présence de béton géopolymère archéologique dans les pyramides [7, 8, 9, 10]. Les ingénieurs civils comprennent généralement les implications de ce nouveau paradigme sur la construction des monuments mégalithiques archéologiques.

Nous présentons ici nos résultats de recherche préliminaire sur les monuments des Andes d’Amérique du Sud, sur l’Altiplano (Fig. 1), à savoir Tiwanaku (en espagnol Tiahuanaco). Le site est situé au sud-est du lac Titicaca à 3820 m d’altitude. Il comprend une pyramide de terre et la célèbre Porte du Soleil monolithique, en pierre volcanique, en andésite. Les monuments furent construits il y a 1400 ans (environ 600 après JC) par l’empire de Tiwanaku, l’une des civilisations des Amériques précolombiennes.

Nos recherches portent sur le site adjacent moins connu de Pumapunku. En 2015, le gouvernement bolivien a lancé un projet ambitieux visant à promouvoir ce site étrange et peu connu. Son rapport officiel se lit comme suit (traduction française de l’espagnol) [11]: « … la plate-forme supérieure de la pyramide présente les vestiges les plus étonnants. D’immenses blocs de grès rouge, les plus grands de la région monumentale de Tiwanaku, se trouvent dispersés comme si un grand tremblement de terre avait dévasté la région. On ne distingue plus aujourd’hui que de grands blocs de grès rouge mélangés à des portes fragmentées en andésite, recouverts de décorations sculptées. Les pierres de taille aux reliefs géométriques et symétriques, parfaitement polis sont les témoins silencieux de ces constructions majestueuses et importantes de Pumapunku dans le passé ».

Figure 2: Reconstitution du temple de Pumapunku

La Fig. 2 est la reconstruction supposée du site. Le temple de grès lui-même est très petit. La plate-forme située au sommet de la pyramide à 4 niveaux de Pumapunku est composée de 4 dalles mégalithiques en grès rouge, désignées en rouge Nr 1, Nr 2, Nr 3, Nr 4, pesant entre 130 et 180 tonnes chacune (Fig. 3), les monuments les plus massifs du Nouveau Monde.

Figure 3: vue générale de Pumapunku.

Ces dernières années, plusieurs reportages et vidéos ont fleurit sur Internet. Certains ingénieurs civils affirment que les monuments sont en béton. D’autres soutiennent qu’ils ont été construits par des super-civilisations aux technologies inconnues. Notre étude suggère que les dalles sont un type de béton de géopolymère de grès coulé sur place. Il n’y a pas de carrière dans les environs d’où les blocs mégalithiques utilisés dans le monument auraient pu être importés.

Le conquistador Pedro de Cieza de Leon, l’un des premiers chroniqueurs espagnols, qui se rendit au lac Titicaca en 1549 sur l’Altiplano, s’émerveilla des ruines de Pumapunku, se demandant quels outils auraient pu être utilisés pour atteindre une telle perfection (Traduction en français [12])  » Dans un autre endroit, plus à l’ouest [de Tiwanaku], il y a d’autres vestiges antiques, parmi lesquels de nombreuses portes, avec leurs jambages, leurs linteaux et leurs seuils, tous faits d’une seule pierre. Mais ce que j’ai noté plus particulièrement, lorsque je me promenais dans ces ruines, écrivant ce que j’ai vu, c’est que en plus de ces grandes portes, il y avait d’autres pierres encore plus grosses, certaines d’environ trente pieds de large, quinze pieds de long ou plus, et six d’épaisseur. La porte, avec ses jambages et son linteau, était faite d’une seule pierre. Son travail est d’une grandeur et d’une magnificence sans égales quand on y réfléchit bien. Pour moi, je ne comprends pas avec quels instruments ou quels outils cela a pu être fait, car il est très certain que afin que ces pierres soient parvenues à cette perfection et laissées tel que nous les voyons, les outils ont dû être bien meilleurs que ceux qu’utilisent maintenant les Indiens (….) Une autre chose remarquable est que dans tout ce district il n’y a pas de carrières d’où ces nombreuses pierres ont pu être apportées, et dont le transport doit avoir nécessité l’intervention de nombreuses personnes. J’ai demandé aux indigènes si ces édifices avaient été construits à l’époque des Incas et ils se sont moqués de la question, affirmant qu’ils ont été construits avant que les Incas ne règnent, mais qu’ils ne pouvaient pas dire qui les avait construits …. « Selon l’archéologie moderne, le monument a été détruit vers l’an 900 après JC, soit 500 ans avant l’ascension de l’empire Inca.

Cependant, l’aspect le plus controversé du site de Pumapunku se trouve dans des objets énigmatiques plus petits, d’un mètre de haut, élaborés dans une pierre volcanique andésitique (Fig. 4). Ils présentent des finitions lisses sans précédent, des faces parfaitement planes, des angles droits à 90° intérieurs et extérieurs très exacts. Les architectes historiens se demandent comment un travail de pierre aussi parfait avait pu être réalisé avec de simples outils de pierre [13]. Notre étude démontre que ces composants architecturaux ont été façonnés avec une technique de moulage au sable humide et géopolymère.

Figure 4: exemples de structures en andésite « H » à Pumapunku.

1ère Partie:

Pumapunku: les mégalithes de grès rouge

 

Figure 5: Les 4 dalles mégalithiques de grès rouge de la plateforme de Pumapunku, dessin, dimensions et poids estimé des 4 monolithes, d’après [1]
La Fig. 5 présente les quatre grandes dalles, numéro (1), numéro (2), numéro (3), numéro (4). La numéro (1) pèse 130 tonnes. La numéro (2), 180 tonnes; c’est un monstre. Elle mesure 7 à 8 mètres de large. La dalle (3) est brisée et des morceaux ont disparu. La dalle (4) est brisée et pèse 150 tonnes. On suppose que les blocs ont été brisés très rapidement après la construction, peut-être par un tremblement de terre. Ils furent alors réparés et consolidés avec des crampons remplis de métal (cuivre).

1.1 Provenance géologique des blocs de grès mégalithiques.

Les voyageurs ont généralement convenu que le grès provenait principalement de la chaîne de montagne Kimsachata située au sud de Tiwanaku. Comme le montre la Fig. 7, on ne savait toujours pas comment ces mégalithes étaient exploités et transportés vers le bas avec des traîneaux primitifs, sur des pistes à lama, raides et étroites. Les premières études scientifiques conduites et publiées au début des années 1970 par les archéologues boliviens [14] avaient pour objectif de déterminer la source du grès utilisé pour construire le complexe de Pumapunku. Les études géologiques furent faites dans 6 vallées escarpées, sélectionnant plusieurs carrières de grès potentielles, totalisant 47 échantillons. Des études comparatives comprenant la diffraction des rayons X, la fluorescence X, l’analyse géochimique et la pétrographie lithique leur ont permis de conclure que le grès de Pumapunku provenait de la Quebrada de Kausani (site géologique (1) de la Fig. 6). Cependant, notre étude détaillée de leur analyse chimique, contredit cette affirmation.

Figure 6: emplacement des sites géologiques de grès étudiés dans la montagne Kimsachata, au sud de Tiwanaku.

En 2017, nous avons pris cette étude de 1970 pour commencer notre enquête et avons sélectionné trois sites (Fig. 6): site (1) Quebrada de Kausani , site (2) Cerro Amarillani, déjà étudié dans les années 1970 mais non sélectionné, et nous avons ajouté un troisième site, site (3), Kallamarka. Pourquoi? Parce qu’il existe plusieurs archives archéologiques dans le village de Kallamarka, qui montrent que le village était en activité au moment de la construction de Pumapunku. Il est donc clair que ce village aurait pu être associé à l’extraction de grès. Il est d’ailleurs inscrit au Patrimoine Mondial de l’UNESCO depuis Juin 2014 (voir ci-dessous)

1.1.1 Quebrada de Kausani

La visite du site numéro (1) Quebrada de Kausani commence depuis le plateau de l’Altiplano à 3850 mètres et grimpe jusqu’à un lieu appelé Kaliri à 4159 mètres d’altitude. L’archéologie officielle affirme qu’ils ont utilisé la piste escarpée à lama (Fig. 7) pour traîner leurs mégalithes de 150 tonnes vers la vallée. C’est difficile à croire.

Figure 7: le chemin de lama grimpant jusqu’au site de Kausani/Kaliri.

Sur le plateau, à Kaliri, de nombreux blocs de grès quadratiques gisent sur le sol, mais nous ne trouvons pas de blocs massifs. Nous n’avons que de petits blocs (Fig. 8). Les archéologues américains [15] affirment qu’il s’agit là des restes d’activités d’extraction humaine. Les archéologues boliviens disent non, il n’y en a pas! En 1970, ils écrivaient: «  un processus typique de désintégration par altération mécanique (…) il n’y avait pas de carrière de grès utilisée par les Tiwanacota, telle qu’une mine à ciel ouvert, un ouvrage ou une galerie, mais ils se dirigeaient plutôt vers des blocs séparés par une diaclase. » Ceci est un événement géologique de vieillissement naturel. Il se trouve qu’il produit des blocs quadratiques, comme dans d’autres endroits de grès.

Figure 8: site de Kausani/Kaliri et ses blocs quadratiques de grès qui résultent d’une dégradation géologique naturelle et de fracturation.

1.1.2 Cerro Amarillani

Le site (2) Cerro Amarillani est plus facile à atteindre en voiture et sur route. C’est une formation géologique similaire. Nous avons aussi des blocs. (Fig. 9)

Figure 9: le site d’échantillonnage Cerro Amarillani.

1.1.3 Kallamarka (MAR)

Le site (3) Kallamarka (Kalla Marka) est totalement différent. Callamarca est l’orthographe en espagnol. Kallamarka avec « k » est l’orthographe dans la langue locale. L’entrée du village est typique et ne se retrouve pas ailleurs (Fig. 10). Cela suggère un contexte historique. C’est étonnamment propre, avec une chaussée en briques. En fait, il était aussi une étape sur la Route de l’Inca, Qhapaq Ñan, le réseau de routes andin, inscrite au Patrimoine de l’Humanité par l’UNESCO depuis Juin 2014.

Figure 10: Entrée du village de Kallamarka.

Nous continuons notre exploration sur la route de terre en voiture, quittons le village et montons vers le site choisi par notre géologue. Nous y trouvons des blocs de grès individuels, mais plus intéressant encore, nous avons ici une particularité, à savoir des couches de grès altéré, adaptées à la réaction géopolymère, situées entre les blocs quadratiques, comme illustré à la Fig. 11 à gauche. Notre géologue a entrepris l’expérience suivante sur le site (Fig. 11 à droite) (regardez la vidéo pour plus de détails) et il commente: «Comme vous pouvez le constater, vous pouvez utiliser un outil très simple, décomposer le grès en morceaux plus petits, très facilement…; cela pourrait être un bon matériau pour fabriquer une pierre en géopolymère. … Oui, très facile. Même avec nos mains, nous pouvons le réduire. C’est très facile. »

Figure 11: Site d’échantillonnage MAR de couches de grès altéré et facilement désagrégé.

1.1.4 Prélèvement d’un échantillon de monument PP4.

Le grès rouge du monument Pumapunku, étiqueté PP4 et étudié ici, provient de la dalle n ° 2. Sur la Fig. 5, l’emplacement de l’échantillonnage est marqué par un point noir. Sur la Fig. 12, il est mis en évidence par une flèche. Il provient d’un ancien site fracturé, au bord de la dalle, où plusieurs fragments avaient été sélectionnés et étudiés dans les années 1970 par les archéologues boliviens. Voir l’échantillon portant le numéro 9 (cercle).

Figure 12: échantillon de grès monumental PP4 sur la dalle n °. 2 (fracturée en 1970).

Les deux échantillons (1970 et 2017) peuvent être comparés en ce qui concerne la composition chimique et l’analyse pétrographique.

1.2. Enquêtes scientifiques: Microscope optique. Diffraction des rayons X, MEB / EDS, microscope électronique à balayage.

1.2.1 Microscope optique: lames minces.

Les lames minces de 30 µm d’épaisseur ont été étudiées sous lumière polarisée transmise avec un microscope optique Leica 4500 DMP. Les résultats pour le grès sont illustrés aux Fig. 13-15; les lames minces sont marquées KAU (Kausani), AMA (Amarillani), MAR (Kallamarka) et PP4 (fragment Pumapunku n°4).

Figure 13: lames minces d’échantillons KAU (Kausani), AMA (Amarillani); VC = claste volcanique, Q = quartz, C = argile, SF = fragments de grès; échelle 200 µm, lumière polarisée transmise.
Figure 14: lames minces d’échantillons à Kallamarka MAR-1 et MAR-2; VC = claste volcanique, Q = quartz, C = argile, SF = fragments de grès, F = feldspath, WF = feldspath altéré, P = plagioclase; échelle 200 µm, lumière polarisée transmise.

Figure 15: lames minces d’échantillons Pumapunku PP4-1 et PP4-2; GP = géopolymère de ferro-sialate; VC = claste volcanique, Q = quartz, C = argile, SF = fragments de grès, WF = feldspath altéré; échelle 200 µm, lumière polarisée transmise, adaptée de [1].
Dans les lames minces de la Fig. 13-14-15, la taille des cristaux de quartz et de feldspath est la suivante: pour KAU 100 µm, pour AMA 200-400 µm, pour MAR et PP4, 150-200 µm (avec des particules détritiques de fragments de grès similaires et de plus grande taille). Dans KAU, les grains sont plus fins et dans AMA plus gros que ceux de MAR et de PP4. Par conséquent, le grès rouge n’a pas été extrait de KAU (Kausani) ni d’AMA (Amarillani), et notre étude ne corrobore pas les affirmations des archéologues boliviens [14] ni des anthropologues américains [15]. Ils avaient choisi le site KAU, essentiellement parce qu’il contient de nombreux blocs quadratiques en grès naturel, comme le montre la Fig. 8. La lame mince de la Fig. 15 pour PP4-1 et PP4-2 montre un GP très épais, un « argile-ciment » rouge très fluide entourant plusieurs grès détritiques ainsi que des grains de feldspath / quartz. Ceci sera discuté ci-dessous et le GP sera décrit comme étant un liant géopolymère de type ferro-sialate synthétique. Les grains dans les autres pierres ont une couche d’argile naturelle beaucoup plus fine, indiquée par «C» ou de petites inclusions occasionnelles d’argile comme dans MAR-1 et MAR-2.

1.2.2 Analyse chimique (EDS) et DRX.

Les analyses MEB / EDS au microscope électronique à balayage ont été acquises à l’aide d’un microscope électronique à balayage JEOL JSM-6510LV. Les spectres de diffraction des rayons X ont été acquis à l’aide d’un spectromètre XD8 Advance « BRUKER » AXS (Siemens), étalonné et interprété selon les bases de données internationales ICDD / COD de 2013. Les résultats semi-quantitatifs pour le grès sont énumérés dans le Tableau 1: composition chimique (éléments at.%) et composition minéralogique (DRX). Le KAU contient du quartz SiO2 et du feldspath albite NaSi3AlO8; l’AMA contient du quartz et du feldspath anorthite Ca(SiAlO4)2, et MAR et PP4 ont du quartz et du feldspath albite. Nous trouvons des minéraux supplémentaires dans MAR, à savoir la calcite CaCO3, la kaolinite et les argiles illites.

Dans le Tableau 1, la fluorescence des rayons X et l’analyse MEB / EDS montrent que l’échantillon KAU n’a ni B (bore) ni Ca. Les valeurs ultérieures confirment l’analyse chimique des années 1970 [14] dans laquelle, pour 6 échantillons de Kausani, CaO = 0%, alors que pour 20 échantillons de monuments, CaO = 1,45 (valeur moyenne). Dans le Tableau 1, pour PP4-global, Ca = 1,70. De plus, pour PP4-global, Na at.% = 9,95; ce chiffre est nettement plus élevé que pour KAU (6,67), AMA (1,56) et MAR (5,10). Cette valeur est importante et sera discutée ci-dessous.

Tableau 1: Analyse des éléments (at.%) et minéralogique des grès rouges de Pumapunku et géologiques. Les valeurs de fluorescence-X (XRF) pour B bore proviennent de la référence [14], d’après [1].

Kausani
KAU

Amarillani
AMA

Kallamarka
MAR

Pumapunku
PP4 globale

Pumapunku
PP4 matrice

X-R-F
B boron (ppm)
0100not available100not available
MEB / EDS analyse at.%
Na6.671.565.109.857.63
Mg2.702.081.431.931.87
Al17.1813.3818.4816.2115.43
Si66.0570.0958.3363.6659.12
K2.673.783.512.113.70
Ca02.228.821.700.60
Fe4.736.894.324.4411.65
DRX minéraux %, analyse semi-quantitative
Quartz34.8064.1035.7022.20
Feldspath65.2035.9049.3077.80
Calcite007.400
Argiles007.60 kaolinite + illite0

L’analyse chimique, la XRF, l’analyse XRD (Tableau 1) et les lames minces (Fig. 13-15) suggèrent que KAU et AMA sont différents de PP4, c’est-à-dire que le matériau de pierre PP4 du monument ne provient pas des sites géologiques KAU (Kausani) ou MA (Amarillani).

1.2.3 Analyse SEM.

La quantité élevée de Na mesurée pour PP4-global dans le Tableau 1 se rapporte à l’image MEB et au spectre EDS de la Fig. 16, montrant NaSi3AlO8 authigénique formé après consolidation du grès. Dans le grès naturel, après des millions d’années de consolidation, l’albite authigénique résulte de la pénétration des eaux faiblement alcalines et de la dissolution du feldspath. Mais cela nécessite des pressions élevées (entre 3 600 et 5 000 m de profondeur) et des températures (100 à 150°C) [16]. Il se forme généralement de gros cristaux. Ici, nous avons une couche uniforme très mince. Cela pourrait être le résultat de l’auto-cristallisation d’un géopolymère polysialate, Si/Al = 3. Comme, dans un béton de grès à base de géopolymère Na-poly (sialate), la concentration alcaline est élevée, la formation d’albite et la cristallisation peuvent se produire pendant une période relativement courte, notamment au cours des 1400 ans d’enfouissement archéologique.

Figure 16: MEB de la matrice PP4, F = plagioclase de feldspath, Q = quartz , Alb = albite, Ch = chlorite, avec cristallisation d’une fine couche d’albite authigénique (2-3 microns d’épaisseur) sur la chlorite, et spectre EDS de l’albite pure NaSi3AIO8, adapté de [1].
Dans le Tableau 1, pour le PP4 matrice, Fe at.% = 11,65, ce qui est très élevé. Cette valeur est liée à l’image MEB et au spectre EDS de la Fig. 17. Elle présente des structures géométriques régulières (flèches) suggérant également une cristallisation géopolymérique. En tenant compte des teneurs en Si, Al, Fe et Na, nous pouvons classer la matrice comme étant un géopolymère « ferro-sialate » obtenu en milieu alcalin [17]. Certains atomes d’aluminium Al3+ sont substitués par des atomes de fer Fe3+, ce qui donne un rapport Si/(Al,Fe) = 2,3.

Figure 17: Matrice de ferro-sialate située entre des grains de quartz et de feldspath, présentant des structures géométriques régulières (flèches). Spectre EDS des structures, adapté de [1].

1.3 Discussion

La kaolinite est l’un des principaux minéraux que l’on trouve couramment dans la synthèse des géopolymères et la fabrication de béton géopolymère. Le grès MAR est soumis à la dégradation géologique qui transforme le feldspath en kaolinite. Il est facilement désintégré manuellement en petits morceaux, comme le montre la Fig. 11. Les quantités de kaolinite (dans la plage de 7% en poids) détectées par l’analyse DRX pour MAR sont suffisamment élevées pour démarrer la géopolymérisation, à condition qu’elles soient combinées avec un milieu alcalin (Na ou K).

Mais MAR contient aussi de la calcite CaCO3, que l’on ne trouve pas dans l’annalyse de PP4. Cependant, l’action de la dégradation géologique peut varier d’un endroit à l’autre. Le plateau de Kallamarka couvre une vaste zone et de nouvelles analyses faites sur des échantillons de ce site pourraient produire des spectres de diffraction des rayons X plus similaires au spectre PP4 actuel. Cette altération géologique suggère que, pour fabriquer l’une des grandes dalles du monument pesant jusqu’à 180 tonnes, le grès aurait pu être extrait à différents endroits, c’est-à-dire avec une teneur en calcite variable. Ainsi, l’analyse pétrographique des années 1970, réalisée sur les quatre dalles mégalithiques, trouve de la calcite dans 15 échantillons, aucune dans 5, pour un total de 20 analyses. Pour leurs deux échantillons M9 et M12 prélevés en 1970 dans la même dalle n°2, la teneur en calcite pour M9 = 0%, alors que pour M12 elle est = 12%. La teneur en calcite varie donc dans le même bloc de grès. Puisque notre échantillon PP4 a été prélevé au même endroit que l’échantillon M9 de la dalle n°2 des Fig.5 et Fig.12, notre résultat de DRX, avec 0% de calcite, est correct.

Sur la Fig. 15, les lames minces de PP4-1 et PP4-2 montrent l’épaisse matrice de ferro-sialate rouge et fluide, marquée GP (flèches blanches) et détectée avec le MEB sur la Fig. 17. À notre connaissance, cette caractéristique est très inhabituelle pour un grès formé géologiquement ou du moins n’a pas été rapportée dans les études pétrographiques réalisées dans le grès rouge de la région [14] [18]. La matrice GP de ferro-sialate rouge, fluide et épaisse de la Fig. 17 représente un unicum et soutient l’idée d’un béton de géopolymère en grès artificiel.

Dans le Tableau 1, la teneur en Na de PP4 globale et de PP4 matrice est également supérieure aux valeurs de KAU, AMA et MAR. Par conséquent, dans l’hypothèse où le PP4 est un grès naturel, il n’appartient pas au grès de la chaîne de montagne Kimsachata au sud de Tiwanaku. Aucune des analyses effectuées sur les 47 échantillons étudiés en 1970 ne contient cette quantité élevée de Na. D’où provient-il? Le grès avec une telle teneur en Na n’a pas encore été localisé dans la région. Par conséquent, si nous maintenons l’argument traditionnel selon lequel le monument en grès est naturel, il n’appartient donc pas à la région. En conséquence, selon l’archéologie traditionnelle, les dalles mégalithiques, comprises entre 130 et 180 tonnes, auraient été extraites et déplacées d’un site géologique situé ailleurs, très loin. Ces blocs de grès géants, de la taille d’une maison (8 x 8 mètres de surface), auraient été transportés sur des traineaux primitifs à partir d’un endroit similaire au site de Kausani situé à 4150 mètres d’altitude, sur une piste à lama raide et étroite, comme le montre la Fig. 7. C’est difficile à accepter, même si les archéologues ont expérimenté le traînage de petits piliers (1 à 5 tonnes) sur un sol plat.

Cependant, si nous acceptons l’idée que le site MAR Kallamarka, qui contient de l’argile kaolinite, est la source du grès monumental, il faut ajouter un durcisseur alcalin dans le mélange géopolymère, par exemple le sel natron, Na2CO3 extrait de Laguna Cachi, un petit lac ( salar) situé dans le désert de l’Altiplano (Bolivie). Selon les archives archéologiques, les caravanes de lama seraient passées par Laguna Cachi. Cela suggère que le sel natron a été exploité par les anciens constructeurs de Pumapunku/Tiwanaku, il y a 1400 ans. D’ailleurs, l’extraction de ce sel natron a continué, même à notre époque moderne du XXe siècle.

Si nous examinons tous les arguments susmentionnés, nous en arrivons à la conclusion que la pierre du monument est constituée de grains de grès provenant du site de Kallamarka, cimentés avec une matrice géopolymère de type ferro-sialate formée par l’intervention humaine.

2ème Partie.

Pumapunku: les structures en andesite volcanique grise

Figure 18: structures étonnantes en pierre d’andésite volcanique.

2.1 Structures extravagantes et énigmatiques.

Nous avons mentionné dans l’Introduction que l’aspect le plus controversé du site de Pumapunku se trouve toutefois dans des objets plus petits et déconcertants, d’un mètre de haut, faits de pierre volcanique andésitique, les sculptures en «H» de la Fig. 4 et d’autres, comme dans les Fig. 18 et Fig. 19.

2.1.1 Coupe parfaite à 90°, très lisse.

Ils présentent des finitions lisses sans précédent, des faces parfaitement planes, des angles droits à 90° intérieurs et extérieurs exacts. Comment ces coupes parfaites ont-elles été faites avec de simples outils en pierre? Ils ont une dureté de Mohs de 6 à 7, comme le quartz et, même les archéomanes qui prétendent que ces artefacts ont été fabriqués par une ancienne civilisation il y a 30 000 ou 60 000 ans, n’ont pas l’outil pour les reproduire.

Figure 19: autres exemples de sculptures géométriques en andésite volcanique.

2.1.2 Un archéologue qui déclare: nous ne savons pas!

Les archéologues essaient d’expliquer comment une telle perfection pourrait être obtenue avec de simples outils de pierre. Cependant, un expert est fortement en désaccord. Pour les architectes historiens, la fabrication des sculptures « H » reste une énigme qu’ils ne peuvent résoudre. Ainsi, Protzen et al. [13] ont expliqué leur dilemme et ont déclaré: « (…) pour obtenir les finitions lisses, les faces parfaitement planes et les angles droits intérieurs et extérieurs exacts des pierres finement taillées, ils ont eu recours à des techniques inconnues de la civilisation Inca et de nous-même (…) Les angles intérieurs nets et précis à 90° observés sur divers motifs décoratifs n’ont probablement pas été fabriqués avec des marteaux de pierre. (…) La pointe du marteau, aussi fine soit-elle, ne pourrait jamais produire les impeccables angles droits intérieurs des pierres de Tiahuanaco / Pumapunku: des coupes comparables dans la maçonnerie Inca ont toutes des angles intérieurs arrondis, typiques de la technique de martelage (…) Les outils de construction des Tiahuanacans, peut-être à l’exception des marteaux en pierre, restent essentiellement inconnus et doivent encore être découverts ».

Notre longue expérience des technologies des géopolymères suggère que ces sculptures peuvent être très facilement fabriquées avec la technique de moulage. Une technique de moulage en sable humide, c’est-à-dire le tassement d’un mortier de géopolymère semi-sec à l’intérieur d’un moule, produirait une surface très fine et précise ainsi que des angles vifs. La Fig. 20 montre toutes les caractéristiques d’un article obtenu en pilant du sable humide dans un moule. L’action des intempéries révèle une peau dense (Fig. 20A), une surface très précise, propre, plane et parsemée de petites bulles, les bulles d’air semi-sphériques qui auraient été piégées contre le moule (Fig. 20B). Une autre méthode consiste à tout d’abord réaliser une préforme par moulage, puis à sculpter l’intérieur avant qu’il ne durcisse, avec un outil en obsidienne par exemple.

Figure 20: A) altération de la surface de l’andésite » H « ; B) des bulles d’air semi-sphériques à la surface suggérant une technique de moulage au sable humide avec un liant géopolymère.

2.2 Recherche scientifique: lames minces, microscope optique, MEB / EDS, microscope électronique à balayage.

Les scientifiques boliviens qui ont mené l’enquête dans les années 1970 n’ont procédé à aucune étude pétrographique similaire sur les sculptures volcaniques andésitiques. Les voyageurs du XIXe siècle avaient convenu que la pierre andésite provenait principalement du volcan Cerro Khapia dans la partie sud du lac Titicaca [19]. Plus récemment, Janusek et al. [15] ont confirmé que le volcan était la principale source de matériau andésitique de Pumapunku / Tiwanaku. Cependant, ils n’ont pas effectué d’étude pétrographique régulière. Ils se sont appuyés sur les résultats qualitatifs obtenus sur des blocs volcaniques, avec un spectromètre portable à fluorescence X, et non sur des carrières. Cela explique pourquoi, dans cette étude préliminaire, nous ne comparons pas l’andésite géologique et la pierre du monument, comme nous l’avons fait avec le grès. En l’absence d’étude géologique, nous ne savions pas où regarder.

2.2.1 Échantillons de monuments en andesite.

Nous avons mentionné dans l’Introduction que de nombreux fragments d’andésite, des tas de gravats, sont éparpillés sur le site et abandonnés. Ils sont en dehors de la zone protégée du monument. En choisissant avec soin ces débris constitués en fait de morceaux de pierres monumentales, avec leur surface très plate caractéristique, nous avons pu obtenir nos échantillons représentatifs. Les échantillons PP1 A et B (Fig. 21) sont les plus importants pour notre étude. L’échantillon PP2 a été prélevé au coin d’un fragment de porte brisé et PP5 à la surface d’une dalle plane.

Figure 21: à gauche, fragments de débris de monument en andésite reposant sur le sol, la flèche pointe sur l’endroit de la cassure fraîche de l’échantillon PP1; à droite, PP1 A et B avec la finition lisse et la face parfaitement plane (flèche blanche), d’après [2].

2.2.2 Microscope optique: lames minces.

La lame mince représentée à la Fig. 22 montre en blanc les minuscules cristaux de feldspath plagioclase, les gros cristaux d’amphibole et de pyroxène. De plus, nous avons des zones noires de substance amorphe que l’on retrouve dans l’ensemble de la lame mince.

Figure 22: lames minces d’échantillon d’andésite Pumapunku PP2, lumière polarisée transmise: minuscules cristaux de plagioclase, cristaux d’amphibole et de pyroxène, matière amorphe; échelle 200 µm, d’après [2].
Il est intéressant de noter que la présence de cette substance amorphe a également été mentionnée par les voyageurs du XIXe siècle dans leur lame mince découpée dans un échantillon d’andésite extrait d’un monument de Tiwanaku différent de notre échantillon PP2 [19, en allemand: «  Runde Nester amorpher Substanz, in Mitte licht braun gefärbt, nach den Rändern verblassend, wurden vereinzelt bemerkt « ; Traduction française: «  Des nids ronds (poches) de substance amorphe, de couleur marron clair au centre , palissant sur les bords, ont été remarqués de temps en temps (individuellement) « .].

Sous une lumière réfléchissante, la surface de PP1A présente des cristaux de feldspaths blancs de plagioclase et des minéraux allongés sombres typiques de ce type de pierre andésite (Fig. 23). La surface est très plane, sans aucune trace d’action de polissage avec des grains abrasifs ni un outil de coupe, mais parsemée de petits trous d’une profondeur de 0,2 à 0,5 mm avec des arêtes franches.

Figure 23: Microscopie optique, lumière réfléchissante, surface en andésite PP1A; échelle 1 mm, les flèches pointent sur les points 1 à 6 étudiés avec le MEB d’après [2].
Le trou n° 4 a une largeur de 0,5 mm (Fig. 23) et contient plusieurs grains de minéraux et autres substances constituant la pierre, sous la surface. Il sera étudié au MEB et analyse EDS dans la prochaine section de cet article (Fig. 24). Les points numérotés sur la Fig. 23 possèdent la composition minéralogique suivante:

No. 1: plagioclase phénocryste sur la surface;

No. 2: mica biotite cristal sur la surface;

No. 3: pyroxene-augite cristal sur la surface;

No. 4: trou avec cristal de hornblende, cristal de pyroxene-augite et une matière amorphe (voir la description ci-dessous);

No. 5: trou avec cristaux de feldspath plagioclase;

No. 6: trou avec cristal de hornblende, cristal de pyroxene.

La surface de la pierre andésite est dure, possèdant une dureté Mohs de 6-7 (7=quartz), et la densité est d=2.58 kg/l. [17].

2.2.3 Analyse MEB, SEM / EDS.

Nous nous concentrons maintenant sur le trou numéro 4 (point 4) déjà mentionné ci-dessus dans la Figure 23, avec un grossissement supérieur (microscope optique et MEB).

Figure 24: à droite, point 4 de la Fig. 23 avec grossissement optique; à gauche; Images au MEB et analyse EDS du même point 4 avec Plag = feldspath plagioclase, H = hornblende, PA = pyroxène-augite, Fe-Si = ferro-silicate, échelle 100 microns, adapté de [2].
Au fond du trou du point 4 (Fig. 24 à droite), nous voyons de la matière noire composée de plusieurs minéraux différents, entourés de cristaux de feldspath blanc à la surface. L’image MEB correspondante à gauche contient, à la surface, du plagioclase (Plag.) Et, dans le trou, des poly-cristaux de hornblende (H), de pyroxène-augite (P-A) et une inclusion de ferro-silicate (Fe-Si). Puis, entre ces cristaux, marqué d’un carré blanc, on trouve quelque chose qui ne correspond à aucun minéral classé du point de vue du microscope optique.

À fort grossissement, sur la Fig. 25, nous avons un élément surprenant, totalement amorphe, qui ressemble à du caoutchouc, pas du tout à un minéral cristallin. S’agit-il de la matière amorphe déjà mentionnée ci-dessus dans la lame mince de la Figure 22?

Figure 25: Matière amorphe du point (4), carré blanc de la Fig. 24. Elle ressemble à du caoutchouc, échelle 10 microns, d’après [2].
L’analyse EDS de la Fig. 26 donne une très grande quantité de carbone C et d’azote N, suivie d’autres éléments minéraux: Na, Mg, Al, Si, P, S, Cl, K, Ca. Comme pour les autres éléments légers, la concentration en élément azote N ne peut pas être déterminée par simple EDS, mais il est qualitativement présent en quantité relativement élevée dans cette matière organo-minérale amorphe, peut-être une composition organique d’ammonium.

Figure 26: Spectre EDS de la matière organique amorphe de la Fig. 25.

Étonnamment, nous trouvons de la matière organique dans une roche volcanique. C’est inhabituel et tout simplement contraire à la nature. Nous ne pouvons que conclure que cet échantillon est artificiel, fabriqué par l’homme.

On pourrait soutenir que, puisqu’il s’agit d’une image MEB obtenue dans un trou situé à la surface de l’échantillon PP1, ce que nous avons mesuré est le résultat de la pollution de surface. Par conséquent, afin de répondre à cet argument, nous avons examiné l’intérieur de PP1A en coupant dans celui-ci un échantillon plus petit, appelé PP1C. Nous avons obtenu plusieurs spots contenant le même type de matière organique. La Fig. 27 en montre deux.

Figure 27: Images MEB et analyse EDS prises à l’intérieur de l’échantillon coupé PP1C: A) flèches pointant vers la matière organique sombre (avec Spectre EDS à droite de la figure); B) autre vue intérieure de l’échantillon PP1C: flèches A et C = monocristaux de feldspath plagioclase, flèche B = lamelle de matière organique (avec le spectre EDS à droite de la figure), D = minéral de type SiO2 (tridymite?), E = Cristal de feldspath plagioclase, d’après [2].
Sur la Fig. 27A, nous voyons une surface très lisse à gauche de la première flèche qui pourrait être la surface d’un liant, mais trop mince pour une mesure EDS réaliste. En nous concentrant sur les surfaces sombres, nous retrouvons le même spectre EDS que celui de la Fig. 26, à savoir le carbone, l’azote et tous les autres éléments minéraux. Sur la Fig. 27B, nous voyons un système noir au milieu du feldspath. Il comprend une lamelle B située sous les cristaux A et C et entourée d’autres éléments D et E. L’analyse EDS des grains A et C donne la composition du feldspath plagioclase. Ensuite, nous avons analysé la lamelle sombre B qui se trouve sous ces deux minéraux. Nous obtenons à nouveau le même spectre que sur la Fig. 26; c’est de la matière organique. Ainsi, nous avons des grains de feldspath plagioclase en surface d’un matériau organique. L’autre grain D contient 70% en atomes de Si et pourrait être un type de tridymite SiO2 comme décrit dans la référence [19]. Le cristal E est du feldspath plagioclase ordinaire. La matière organique se situe donc également à l’intérieur de l’échantillon, ce qui exclut toute forme de pollution.

2.3 Discussion: quelle chimie ?

Tout le monde sera d’accord avec le fait que cette matière organique suggère la présence d’une pierre artificielle. La question est maintenant de savoir quelle chimie fut employée? Ce n’est pas un géopolymère à base de polysialate comme dans les mégalithes de grès rouge. Ce n’est pas le milieu alcalin. Si ce n’est pas un milieu alcalin, alors c’est un milieu acide. Et oui, c’est un milieu acide si nous nous appuyons sur les anciennes légendes que l’archéologie ne prend pas en compte: « (…) una sustancia de origen vegetal capaz de ablandar las piedras », extraits de plantes capables de ramollir les pierres. C’est ce que les habitants de l’Amérique du Sud revendiquent et écrivent.

2.3.1 Extraits de plantes capables de ramollir les pierres: acides carboxyliques.

Il y a 40 ans, Joseph Davidovits a rencontré un anthropologue péruvien et a décidé de faire une présentation lors d’une conférence archéologique à New York, 1981 [20], intitulée: «  Fabrication d’objets en pierre par synthèse géopolymérique, la civilisation pré-inca Huanka au Pérou ». Voici un extrait du résumé des actes publiés: « Il est maintenant admis que la civilisation Tiwanaku est modelée sur la civilisation pré-inca Huanka révélée par une habileté extraordinaire à fabriquer des objets en pierre. Une récente découverte ethnologique montre que certains sorciers de la tradition Huanka n’utilisent aucun outil pour fabriquer leurs petits objets en pierre, mais une dissolution chimique de la pierre par des extraits de plantes [des acides carboxyliques]. »

Un an plus tard, en 1982, une étude scientifique réalisée avec le Laboratoire de pharmacognosie de l’Université de Grenoble, en France, était présentée à un autre congrès et publiée sous le titre: « La désagrégation des matériaux en pierre avec des acides organiques d’extraits de plantes, une technique ancienne et universelle. » L’étude portait sur l’extraction des acides carboxyliques de plantes et sur leur action dégradante sur le calcaire (carbonate de calcium). La conclusion de l’étude est la suivante: « Les agriculteurs précolombiens étaient tout à fait capables de produire de grandes quantités d’acide à partir de plantes aussi répandues dans leur région que: fruits, pomme de terre, maïs, rhubarbe, rumex, agave americana (c’est le cactus), ficus indica, oxalis pubescens”[21] [22].
Ils ont étudié l’action de trois acides carboxyliques:

– acide acétique,
– acide oxalique,
– acide citrique.

Ces acides carboxyliques fonctionnent parfaitement avec le calcaire. Le calcaire est décomposé par ces acides organiques. Il est très facile de prouver et de mesurer leur action. Toute pierre contenant du calcaire sera désagrégée mais pas l’andésite volcanique. Cela ne fonctionne pas! Cette chimie ne peut être utilisée que pour fabriquer un liant qui, en tant que tel, agglomérera un matériau de pierre non consolidé (par exemple du sable volcanique). Donc, il faut faire une distinction très nette entre le calcaire et la pierre volcanique telle que l’andésite.

2.3.2 Nous pouvions désagréger le calcaire, mais nous n’étions pas en mesure de le réagglomérer, de le durcir. 

Plusieurs personnes ont essayé de découvrir le secret de cette fabrication de pierre. Ils ont réussi à ramollir le calcaire qu’ils ont réduit à une masse molle. Mais ils n’ont pas réussi à durcir à nouveau. C’est la raison pour laquelle Davidovits et Aliaga ont arrêté leurs études il y a 40 ans. Ils pouvaient désagréger (le calcaire) mais ils n’étaient pas capables de le ré-agglomérer, de le durcir à nouveau.

Les connaissances appropriées ont été acquises très récemment (il y a 3 ans). Elle applique la chimie relative aux géopolymères à base de phosphate et aux géopolymères organo-minéraux [23].

2.3.3. Objectif de recherche, trouver le durcisseur: le guano. 

Où pouvons-nous trouver, localement, les produits chimiques qui vont générer cette chimie? Pour le grès, nous avons localisé le Natron alcalin dans le lac de l’Altiplano, le Laguna Cachi, afin de fabriquer les grands mégalithes. Pour les pierres volcaniques d’andésite, nous avons un liant organique obtenu en milieu acide et nous recherchons le durcisseur.

L’archéologie fournit diverses indications qui s’appuient sur plusieurs textes écrits lors de la conquête espagnole. Ils transcrivent les explications fournies oralement par les autochtones de l’époque. L’un de ces textes traite du commerce du guano entre l’océan Pacifique à Ilo et Tiwanaku, allant du niveau de la mer jusqu’à 3 800 mètres d’altitude (Fig. 28). Il a été discuté par J.W. Minkes [24]. L’extrait de l’étude commence par le site d’Ilo sur l’océan Pacifique et se lit comme suit: «5.5.2 El descanso: El Descanso signifie «lieu de repos» en espagnol. Ce nom a été transmis oralement et fait référence à l’usage traditionnel du site en tant que lieu de repos des caravanes de lamas se rendant ou venant des hauts plateaux via Moquegua … ». Selon les documents historiques, la vallée de Moquegua était la voie empruntée par de nombreuses caravanes de lamas transportant le guano récolté en grande quantité à Punta Coles, Ilo, et expédié jusqu’à Tiwanaku. Ce commerce [guano] semble avoir été intensifié lors de la construction de Tiwanaku / Pumapunku, probablement stimulé par le besoin de plus de guano. La population côtière [Ilo] reçu en échange de la coca, de la laine de camélidés, de la viande séchée et des lamas pour le transport du guano.

Figure 28: le commerce du guano depuis Ilo (Océan Pacifique) à Tiwanaku, via la vallée de Moquegua.

Le guano est un excellent engrais, mais nous pensons que ce n’est pas la raison pour laquelle ils l’ont transporté vers les hauts plateaux. La civilisation Tiwanaku a été créée avant qu’ils n’exploitent le guano. À Tiwanaku, ils avaient déjà développé une agriculture très spéciale connue sous le nom de « système de champ surélevé ». Les champs consistaient en des lits de plantation allongés et élevés, entourés de fossés remplis d’eau. Les fossés contenaient du plancton aquatique et de petits poissons qui fournissaient un engrais naturel [25]. Ils n’avaient pas besoin de guano, car ils produisaient leur propre engrais. Donc, prétendre que le guano a été envoyé sur les hauts plateaux, car ils en avaient besoin comme engrais pour l’agriculture, n’est pas correct. Cette civilisation s’est développée par elle-même. Nous soupçonnons que ce guano n’a pas été utilisé en agriculture (les quantités exploitées sont bien plus importantes que ce qui serait nécessaire pour l’agriculture seule), mais pourrait plutôt être un durcisseur organique géopolymère. En effet, il contient différents ingrédients chimiques utiles à cette fin.

Le Tableau 2 présente une analyse effectuée par M. J.D. Smith il y a 150 ans sur des échantillons de guano péruvien [26]. Il contient un grand nombre de sels d’acides, essentiellement de l’oxalate et de l’urate d’ammonium, de l’oxalate de calcium, du phosphate d’ammonium et du phosphate de calcium.

Tableau 2: Composition chimique du guano péruvien contenant essentiellement: oxalate et urate d’ammonium, oxalate de calcium, phosphate d’ammonium et phosphate de calcium d’après [26].

 Acide urique,  urate d’ammonium17.92
Oxalate d’ammonium7.40
Chlorure et phosphate d’ammonium8.80
Matière organique8.76
Phosphate de calcium22.00
Oxalate de calcium2.50
Sulphate de potasse8.00
Eau22.00

L’action du vinaigre (acide acétique) ou de l’un des autres acides carboxyliques extraits des plantes, sur le guano, conduit à la formation d’acides phosphorique et oxalique, utiles dans la production de géopolymère à base de phosphate. La chimie implique également l’ajout de minéraux, d’alumino-silicates, tels que le tuf volcanique finement altéré, l’argile kaolinitique ou peut-être le métakaolin. De nouvelles recherches sur site sont nécessaires afin de déterminer quel minéral a participé à la fabrication de ce liant géopolymère organo-minéral.

2.3.4 EDS du guano comparé à la matière organique PP4.

L’analyse EDS de l’échantillon de guano de Ilo, présentée à la Fig. 29, est similaire à l’EDS de la matière organique PP4 (voir la Fig. 26). Les éléments chimiques sont identiques, mais ils sont présents à une concentration plus faible dans le monument, ce qui semble être évident. Cependant, au stade de la présente étude, nous ne savons pas si la matière organique PP4 est la partie restante du guano qui n’a pas réagi ou le spectre du liant organo-minéral lui-même.

Figure 29: guano d’Ilo; (à gauche) analyse EDS; (à droite) microscopie optique, l’échelle est de 1 mm.

2.3.5 Première conclusion. 

La matière organique détectée dans cette étude suggère la réaction d’un composé organique d’ammonium (l’azote N) d’origine végétale ou animale, avec des minéraux, pour former un liant organo-minéral. L’analyse quantitative de l’azote N ne peut pas être effectuée avec notre équipement actuel. Nous n’avons mesuré que des valeurs semi-quantitatives. La détection de Cl, P et S est intéressante et pourrait fournir des indices pour des recherches ultérieures. Les constructeurs ont peut-être transporté du tuf andesite volcanique non consolidé ayant la consistance du sable, à partir du site de Cerro Khapia. Ils ont ajouté un type de liant organo-minéral fabriqué avec de la biomasse locale (acides carboxyliques extraits du maïs ou autres plantes), du guano et des minéraux réactifs à base d’alumino-silicate.

3. Conclusion 

La lame mince d’un échantillon prélevé dans le monument en grès rouge de Pumapunku montre des grains de grès enrobés d’une matrice de ferro-sialate rouge fluide et épaisse. À notre connaissance, cette caractéristique est très inhabituelle dans les grès formés géologiquement. Elle représente un unicum et soutient l’idée du béton géopolymère de grès artificiel. Une analyse MEB / EDS complémentaire pour Na, Mg, Al, Si, K, Ca, Fe suggère que le site de Kallamarka est la source des blocs mégalithiques de Pumapunku. Les dalles mégalithiques de 130 à 180 tonnes ont été fabriquées il y a 1400 ans. Pour construire leur béton de grès géopolymère, les constructeurs ont peut-être transporté du grès dégradé géologiquement, kaolinitisé, depuis le site de Kallamarka et y ont ajouté des éléments étrangers tels que le natron (Na2CO 3) de Laguna Cachi, un petit lac (salar) situé au sud du grand Salar de Uyuni  dans l’Altiplano (Bolivie).

Cependant, l’aspect le plus controversé du site de Pumapunku se trouve dans des objets énigmatiques plus petits faits de pierre volcanique andésite. Notre étude démontre que ces composants architecturaux ont été façonnés avec une technique de moulage en géopolymère au sable humide. L’étude MEB de cette andésite grise montre la présence de matière organique (il pourrait s’agir du liant géopolymère). Nous avons les éléments carbone, azote et des minéraux. L’existence de matière organique amorphe est très inhabituelle, voire impossible dans une pierre volcanique. Elle a également été détectée dans les études optiques sur lames minces. C’est un «  unicum » et cela soutient l’idée du béton de géopolymère à andésite artificiel. Pour fabriquer du béton géopolymère-andésite, les constructeurs peuvent avoir transporté du tuf volcanique non consolidé, qui est un matériau pierreux andésite ayant la consistance du sable, en provenance du site de Cerro Khapia, et ajouté un liant géopolymère organo-minéral fabriqué avec des ingrédients locaux.

Étonnamment, cette étude démontre que les constructeurs de Pumapunku maîtrisaient deux méthodes de fabrication de béton géopolymère, à savoir:

a) – La première, en milieu alcalin pour les mégalithes de grès rouge. Cette technologie est bien connue des scientifiques spécialistes des matériaux et des ingénieurs civils et correspond aux connaissances de la méthode de production maintenant traditionnelle de béton géopolymère.

b) – La seconde, en milieu acide pour les structures grises en andésite, repose sur l’utilisation d’acides carboxyliques organiques extraits de la biomasse locale, ainsi que sur l’ajout de guano. Elle a été reproduite avec succès dans notre laboratoire avec des produits chimiques modernes, afin de tester la validité des mécanismes chimiques impliqués dans ces nouvelles réactions géopolymériques.

En l’absence de preuve contraire, les conclusions actuelles sont bonnes et les dalles mégalithiques en grès rouge de Pumapunku ainsi que les sculptures en andésite grise sont constituées d’anciens géopolymères. Ce type d’étude pourrait fournir des données sur les mécanismes de cristallisation à long terme et l’évolution minéralogique des molécules de géopolymère. Il convient de noter également que la prochaine étape de notre étude devrait consister à rassembler suffisamment d’échantillons pour mettre en œuvre la datation au carbone-14 et fournir l’âge exact des monuments.

Remerciements 

Les données MEB ont été collectées par Mathilde Maléchaux chez Pyromeral Systems SA. 60810 Barbery. France; les lames minces ont été réalisées à UniLaSalle-Geoscience. 6000 Beauvais. France. Cette recherche n’a reçu aucune subvention spécifique d’organismes de financement des secteurs publics, commerciaux ou à but non lucratif.

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[6] C. Nickerson, Did the Great Pyramids’ builders use concrete?, The New York Times, April 23, 2008, https://www.nytimes.com/2008/04/23/world/africa/23iht-pyramid.1.12259608.html, (accessed 10 August 2018).

[7] G. Demortier, PIXE, PIGE and NMR study of the masonry of the pyramid of Cheops at Giza, Nuclear Instruments and Methods in Physics Research B, B 226, (2004) 98–109.

[8] M.W. Barsoum, A. Ganguly and G. Hug, Microstructural Evidence of Reconstituted Limestone Blocks in the Great Pyramids of Egypt, J. Am. Ceram. Soc. 89[12] (2006), 3788–3796.

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[10] I. Tunyi and I. A. El-hemaly, Paleomagnetic investigation of the Pyramids, Europhysics News 43/6 (2012), 28-31.

[11] Plan de Manejo, Centro Espiritual y Politico de la Cultura Tiwanaku 2015-2020, C.I.A.A.A.T Centro De Investigaciones Arqueológicas, Antropólógicas y Administración
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[12] C. R. Markham, Travels of Pedro de Cieza De Leon A.D. 1532-50, Hakluyt Society, London (1864), 376-379.

[13] J.-P. Protzen and S. Nair, Who Taught the Inca Stonemasons Their Skills? A Comparison of Tiahuanaco and Inca Cut-Stone Masonry, Journal of the Society of Architectural Historians, 56/2 (1997), 146-167.

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[20] J. Davidovits, F. Aliaga, Fabrication of Stone Objects by Geopolymeric Synthesis in the Pre-Incan Huanka Civilization in Peru, Abstracts of 21st International Symposium for Archaeometry, Brookhaven National Laboratory, New York, USA (1981) page 21.

[21] J. Davidovits, A. Bonett and A.M. Mariotte, Proceedings of the 22nd Symposium on Archaeometry, University of Bradford, Bradford, U.K. March 30th – April 3rd (1982), 205 – 212.

[22] The pdf files of ref. 20 and 21 are in the Geopolymer Institute Library for free download, called Making Cement with Plants Extracts, at #C: https://www.geopolymer.org/library/archaeological-papers/c-making-cements-with-plant-extracts/ .

[23] See Chapter 13 (14) and Chapter 14 (15), in J. Davidovits, Geopolymer Chemistry and Applications, Edition: 2nd (2008), 3rd (2011), 4th (2015), 5th (2020) Publisher: Institut Géopolymère, Geopolymer Institute, Saint-Quentin, France, Editor: ISBN: 9782954453118 (5th ed.)

[24] J.W. Minkes, Wrap the Dead, Archaeological Studies Leiden University, 12, (2005), Chapters 5.5.2, 6.5.2.

[25] A.L. Kolata, The technology and organization of agricultural production in the Tiwanaku State, Latin American Antiquity, 2(2) (1991), 99-125.

[26] J. Towers, Guano and its analysis, The British Farmer’s Magazine, (1845) Vol. 9, 389-400.