Lors du Geopolymer Camp 2018, au cours de la Session: Technologies anciennes, le Professeur J. Davidovits a présenté les premiers résultats du programme de recherche conjoint mené par l’Institut Géopolymère et l’Université Catolica San Pablo, Arequipa, au Pérou, sur les monuments mégalithiques de Tiahuanaco / Pumapunku (Tiwanaku). ), en Bolivie (lac Titicaca). Voir un bref résumé de la conférence dans la Keynote de J. Davidovits intitulée « State of the Geopolymer 2018« , dans les 7 dernières minutes de la vidéo à GPCAMP-2018.
La Porte du Soleil à Tiwanaku et les dalles mégalithiques en grès géopolymère de Pumapunku .
La plate-forme au sommet de la pyramide à 4 degrés de Pumapunku se compose de 4 dalles mégalithiques en grès rouge, pesant entre 130 et 180 tonnes chacune, les plus grandes parmi les monuments du Nouveau Monde. Notre étude suggère que les dalles sont un type de béton de grès géopolymère coulé sur place. Elle a été récemment publiée dans Material Letters 235 (2019) 120-124, Online le 8 October 2018, ; on y accède par le lien: Materials Letters.
Un second article scientifique décrivant les structures en H faites en roche volcanique andesite, également en géopolymère, a été récemment publié dans Ceramics International (3 Janvier, 2019), intitulé « Ancient organo-mineral geopolymer in South-American Monuments: organic matter in andesite stone. SEM and petrographic evidence » (Davidovits, J., Ceramics International https://doi.org/10.1016/j.ceramint.2019.01.024). On y décrit la découverte de matière organique dans de la roche volcanique, ce qui est impossible dans la nature. Cette découverte suggère une roche artificielle géopolymère et, en plus, une possibilité de datation au C-14 (recherche prévue).
Voici le lien pour télécharger gratuitement l’article en pdf depuis le site d’Elsevier: https://authors.elsevier.com/a/1YbFt~2-EzCd0
Ce lien est valable jusqu’au 10 avril 2019.
Cette étude est liée à notre recherche menée il y a 36 ans (dans les années 1980) intitulée « Making Cements with plant extracts » que l’on peut télécharger librement dans notre Bibliothèque, Archaeological paper #C à library/archaeological-papers.
RÉSUMÉ ÉTENDU DE L’ÉTUDE (pour les détails de l’étude allez à : Tiwanaku-Pumapunku)
Tiahuanaco, au bord du lac Titicaca en Bolivie est un village connu dans le monde entier pour sa mystérieuse Porte du Soleil, des ruines de temples et sa pyramide. Les archéologues considèrent que ce site a été bâti bien avant les Incas, vers 600 à 700 apr. J.-C.. Le site de Pumapunku se trouve juste à côté avec les ruines d’un temple pyramidal énigmatique bâti à la même époque. Comme il n’est pas restauré et mis en valeur, il est moins connu du grand public. Pourtant, on y trouve deux curiosités architecturales: quatre terrasses géantes de grès rouge pesant entre 130 et 180 tonnes et des petits blocs d’andésite, une pierre extrêmement dure, dont les formes complexes et la précision millimétrique sont incompatibles avec la technologie de l’époque. Et pour cause, l’archéologie nous explique que les Tiwanakans ne possédaient que des outils en pierre et aucun métal suffisamment dur pour tailler la roche. Pourtant, ils auraient taillé des blocs de grès rouge aussi gigantesque (ces blocs antiques sont les plus gros de tout le continent américain !) et étaient capables de transporter ces centaines de tonnes sur le site, puis de les ajuster avec précision. Aussi, ils auraient été capables de sculpter d’autres blocs plus petits dans de l’andésite, une pierre impossible à tailler avec une finition incroyable ! De tout cela, les archéologues ne peuvent donner d’explications rationnelles. Ainsi, pour le grand public, une ancienne super civilisation perdue ou les aliens sont les hypothèses généralement avancées pour expliquer ces prodiges.
En novembre 2017, les scientifiques ont prélevé des échantillons de grès rouge et d’andésite sur le site de Pumapunku. Pour la première fois, ces pierres ont été analysées au microscope électronique, cela n’avait jamais été réalisé avant ! Ils ont découvert la nature artificielle des pierres. Ils ont comparé les pierres des monuments avec les ressources géologiques locales et ont constaté de nombreuses différences.
L’andésite est une pierre volcanique provenant du magma. Elle est composée principalement de silice sous forme de feldspath plagioclase, d’amphibole et de pyroxène. Les scientifiques y ont découvert la présence de matière organique à base de carbone. « Une matière organique à base de carbone n’existe pas dans une pierre volcanique formée à haute température, car ils sont vaporisés. Il est impossible d’en trouver dans l’andésite. Et parce que nous avons trouvé de la matière organique à l’intérieur de la pierre volcanique andésitique, les scientifiques auront la possibilité d’effectuer une datation du Carbone-14 et déterminer l’âge exact des monuments » d’après Luis Huaman, géologue à Universidad Catolica San Pablo, Arequipa, Pérou. Cet élément organique, un géopolymère à base d’acides carboxyliques, a donc été ajouté par une intervention humaine à un autre moment pour former une sorte de ciment.
Les blocs géants de grès rouge posent un autre problème. Le grès est une roche sédimentaire composée de grains de quartz et d’un liant argileux. Il existe plusieurs sources géologiques possibles, mais aucune ne correspond aux pierres édifiées sur le site archéologique. Aucune carrière connue n’est capable de fournir les blocs massifs de 10 mètres de long. De plus, la pierre locale est friable et de petites dimensions. Les scientifiques ont découvert au microscope électronique que le grès rouge de Pumapunku ne peut pas provenir de la région, car on y trouve des éléments, comme le carbonate de sodium, absents de la géologie locale. Alors d’où provient la pierre ? De plusieurs centaines ou milliers de kilomètres ? Avec quels moyens ont-ils été transportés ? En réalité, l’analyse au microscope électronique prouve que la composition du grès pourrait être artificielle (un géopolymère ferro-sialate) et fabriquée comme un ciment.
Quelle est cette technologie ? « Les pierres artificielles ont été formées comme un ciment. Mais, ce n’est pas un ciment moderne, c’est un ciment géologique naturel obtenu par géosynthèse, » déclare Ralph Davidovits, chercheur à l’Institut Géopolymère. Pour cela, ils ont pris de la roche naturellement friable et érodée comme pour le grès rouge depuis la montagne toute proche et du tuf volcanique non consolidé depuis le volcan Cerro Kapia juste à côté au Pérou pour former l’andésite. Ils ont créé un ciment soit à partir d’argile (la même argile rouge que les Tiwuanakans ont utilisée pour la poterie) et des sels de carbonate de sodium venant du Laguna Cachi dans le désert de l’Altiplano au sud, pour former le grès rouge. Pour l’andésite grise, ils ont inventé un liant organo-minéral à base d’acides de plantes et d’autres réactifs naturels. Ce ciment était ensuite coulé dans des moules et durci pendant quelques mois. Sans une connaissance approfondie de la chimie des géopolymères, qui étudie la formation de ces roches par géosynthèse, il est difficile de reconnaitre la nature artificielle des pierres. « Cette chimie n’est pas une science difficile à maitriser. Elle est le prolongement des connaissances des Tiwanakans dans la céramique, les liants minéraux, les pigments et surtout une excellente connaissance de leur environnement, » précise le professeur Joseph Davidovits. Sans la sélection des bonnes matières premières, ces monuments extraordinaires n’auraient pu voir le jour il y a 1400 ans.
Enfin, cette découverte scientifique confirme les légendes locales qui disent que « les pierres ont été faites avec des extraits de plantes capables de ramollir la pierre. » Cette explication a toujours été rejetée par les archéologues, car elle n’avait pas de sens. Les preuves apportées par l’équipe de scientifiques de France et du Pérou montrent que la tradition orale avait raison: ils faisaient des pierres molles qui pouvaient durcir ! L’hypothèse de l’ancienne super civilisation perdue ou les aliens extraterrestres est fausse. Les Tiwanakuans étaient des humains intelligents. Ils connaissaient parfaitement leur environnement et savaient exploiter les ressources apportées par la nature.
En plus de la datation du Carbone-14, d’autres études seront bientôt réalisées pour déterminer si certains monuments de la région de Cuzco au Pérou ont été bâtis avec la même connaissance scientifique.